QU’IMPORTE LA GRAVITÉ – SPIRA
79 min., Documentaire, Québec, Canada, 2017RéalisationMatthieu Brouillard
ProductionMatthieu Brouillard
Languefrançais
Christian, 63 ans, et Bruce, 71 ans, sont deux amis qui ont chacun leur fardeau à porter : Christian est atteint d’une condition génétique qui affaiblit considérablement sa vision, alors que Bruce est malentendant et bipolaire. Mais les deux hommes partagent un rêve : ils veulent voler, défier la gravité, s’élever contre le poids du corps.
Détails du film
Synopsis
Christian, 63 ans, et Bruce, 71 ans, sont deux amis qui ont chacun leur fardeau à porter : Christian est atteint d’une condition génétique qui affaiblit considérablement sa vision, alors que Bruce est malentendant et bipolaire. Mais les deux hommes partagent un rêve : ils veulent voler, défier la gravité, s’élever contre le poids du corps. De personnalité fort appliquée et rationnelle, Christian est parvenu à maîtriser la technique du parapente et, après des années de persévérance, a obtenu le droit d’effectuer des vols en solo. Il tente maintenant de convaincre l’erratique et turbulent Bruce d’en faire autant et de l’accompagner jusqu’au Mont Blanc. Portrait intimiste à la fois insolite et poignant de ces deux individus hors-normes, cette œuvre de « cinéma direct » aux accents tragicomiques et beckettiens se veut un décoiffant voyage dans les éclatantes étendues célestes tout autant que dans les méandres obscurs de la psyché humaine.
Équipe
Réalisation : Matthieu Brouillard
Scénario : Matthieu Brouillard
Direction de la photographie : Matthieu Brouillard
Montage : Michel Giroux
Prise de son : Matthieu Brouillard
Mixage : Jean Paul Vialard (ONF)
Conception sonore : Adrien Kessler
Musique: Shawn Persinger
Direction artistique : Matthieu Brouillard
Ce film fait partie de la Collection SPIRA. SPIRA est une coopérative issue de la fusion, en 2015, de Spirafilm et Vidéo Femmes, qui soutient et stimule la création et la production en cinéma indépendant, et qui distribue des œuvres pour en assurer le rayonnement au Canada et à l’étranger. Pour en savoir plus sur SPIRA et son catalogue, rendez-vous au https://www.spira.quebec/
Mot du cinéaste
Lorsque j’ai rencontré Christian Forget, l’un des deux protagonistes de Qu’importe la gravité, sa beauté hors-norme et lunaire m’a tout de suite fasciné. Depuis 2005, je l’ai régulièrement employé comme modèle vivant dans le cadre de mon travail de photographe. Au fil d’années de collaboration, nous avons développé une complicité certaine, qui fut cruciale pour le tournage de ce film.
Lorsque Christian, en 2010, m’a parlé de son projet de vol, il m’a tout de suite paru qu’il y avait dans l’image d’un malvoyant devenant corps ascendant quelque chose de porteur de sens. Ce plan de vol insolite est ancré dans un savoir technique et des activités bien concrètes, mais relève aussi indéniablement des domaines de l’imaginaire et du fantasme. Cette histoire d’un homme handicapé réussissant, à force d’obstination, à rejoindre un espace où la gravité semble suspendue, m’a semblé pouvoir devenir le symbole d’une conquête de l’improbable, d’un dépassement extatique des limites. Et il m’est apparu que cette quête devait faire l’objet d’un film, peut-être en raison de la dimension cinétique inhérente au vol tout autant qu’au cinéma.
Il m’aura toutefois fallu encore quelques années pour trouver la forme qu’allait prendre ce projet. Christian était beaucoup dans le ressassement d’événements passés et je ne voyais pas comment faire de cette matière évanescente un récit vibrant, incarné, dynamique. Ce n’est que lorsque Bruce, le second personnage, est apparu, que j’ai su qu’un film dense et singulier pouvait naitre. Bruce nous livre un ensemble de paroles, visions, gestes et affabulations quasi mystiques qui viennent intensifier et illuminer la quête de Christian en répétant les motifs de l’ascension et de la chute. Bien que l’expérience du vol soit d’abord et avant tout celle de Christian, Bruce confère à cette expérience une saveur poétique insoupçonnée et une puissance expressive qui contribuent à faire basculer ce qui pourrait relever du simple fait divers dans la sphère du mythe, là où l’imagination et le désir s’approprient le réel, voire le façonnent.
Le tournage de ce film fut parfois difficile à gérer, à la fois humainement et logistiquement. Mais ce fut au final une expérience remarquable et un rare privilège que d’avoir pu participer d’aussi près à la vie intense de ces deux hommes d’exception. Je pense que le film arrive à témoigner de la manière dont le rêve, le projet, la fiction de soi, la volonté de croire, parviennent à transcender la faiblesse des sens et le manque de perspective causée par le handicap (et parfois, hélas, jusqu’au déni de la condition qu’on cherche à surmonter). J’ai voulu éviter les écueils sentimentaliste et moraliste qu’entraine le fait de traiter de sujets lourds comme le handicap et la santé mentale en présentant une histoire aux accents de conte surréaliste, qui allie le naturalisme sans fard du « cinéma direct » à une approche qui autorise l’errance et le jeu, là où l’improbable peut advenir.
Réalisation
Matthieu Brouillard
Matthieu Brouillard est un artiste visuel né à Montréal en 1976. Après avoir pratiqué le dessin et la peinture pendant quelques années, il se tourne vers la photographie en 2003 avec l’impression que ce médium serait plus à même de traduire les images qu’il a en tête. Depuis, il a créé des corpus photographiques et des installations vidéographiques qui combinent le documentaire et la mise en scène et qui réinvestissent certains thèmes et traits stylistiques issus de la mythologie (Icare) et de la tradition picturale (Grünewald et Goya, baroque et maniérisme). Son travail plastique témoigne d’un intérêt marqué pour la figure humaine, et plus précisément pour le corps masculin, qu’il dépeint le plus souvent en situation de contrainte ou de déviation par rapport à certaines normes sociales et/ou esthétiques. Son travail est paru dans de nombreuses publications (Ciel Variable, SHOTS Magazine, Samuel Beckett Aujourd’hui, Les écrits…) et a été exposé dans de nombreuses galeries et institutions vouées aux arts (VU, Dazibao, Oboro, Le Fresnoy, Kunsthalle Bern, PhotoforumPasquArt, Musée de l’Élysée…). Matthieu (PhD, 2013) a été chargé de cours et chercheur invité dans diverses universités et écoles d’art, parmi lesquelles l’Université de Zürich, l’Université des Arts et du Design de Karlsruhe, la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève et l’Université de Bern. Il a publié trois livres de photographies – "Narragonie" (J’ai VU, 2007), "Darkness Implacable" (Sagamie, 2012) et "Coming Through the Fog" (avec Donigan Cumming ; FOFA Gallery, 2013) –, dont les séries d’images finement orchestrées laissent présager son passage au cinéma. Tourné sur une période de deux ans, "Qu’importe la gravité" est son premier film.